Interview - Rémi CALVEL, sang pour sang Toulousain

Pour n'avoir connu qu'un club dans sa carrière, il est l'égal de Francesco Totti au football ou Mickaël Guigou au handball. Comme eux, et moins de gens le savent, il a porté le maillot de l'équipe nationale. C'était il y a quelques années... Aujourd'hui, durant la trêve internationale, Rémi CALVEL s'entraîne avec son club de toujours, Toulouse, avec lequel il a quasiment tout vécu. Il a bien voulu se poser quelques instants pour évoquer son club qu'il décrit comme sa seconde famille, sa carrière, l'équipe de France, sa toute récente paternité et son lien indéfectible avec sa ville natale. Avec sourire et franchise, le capitaine n'a éludé aucun sujet. Fidèle à lui-même, un mot qui lui colle à la peau. (Crédit photos : Gaëlle Louis / Pixcity / PQR L'Alsace)

 

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Sa carrière

Rémi, tu vis ta 15ème saison professionnelle sous le maillot de Toulouse, as-tu du recul sur cet incroyable chiffre ou est-ce trop tôt pour tirer un bilan sur ton immense carrière ?

 15ème saison... (il soupire). C'est vrai que les journalistes aiment bien me le rappeler. C'est avant tout un chiffre flatteur. J'en suis très fier, c'est une belle aventure que je continue à vivre avec Toulouse. Je n'ai pas vraiment de recul dessus, je suis encore dans mon expérience de joueur. Je crois que cela viendra le jour où je quitterai le parquet du Palais des Sports.

 

On sent chez toi toujours la même détermination que ce soit à l'entraînement ou en match, d'où puises-tu cette motivation et cette fraîcheur ?

 Il y a des périodes dans la vie de sportif plus fastes que d'autres. J'ai vécu de grosses blessures dans ma carrière qui m'ont éloigné des  terrains pendant de longues périodes. Quand tu passes par ce genre de moments et que tu reviens, ta motivation est décuplée. Ton envie s'accroît au fur et à mesure que tu enchaînes les matchs et les saisons sans pépin physique. Le fait également de voir arriver des jeunes, de voir cette équipe évoluer mais aussi le club grandir avec beaucoup de choses qui s'organisent autour de notre équipe et de nos rencontres, c'est assez enthousiasmant. On a un public de plus en plus nombreux et chaleureux également. Tous ces facteurs font que je viens tous les jours à l'entraînement avec plaisir, un plaisir encore plus présent lors des matchs avec le stress et l'adrénaline de la compétition. Je ne vois pas les années passer, je me rends sur le terrain avec mes coéquipiers avec un bonheur égal.

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Avec la blessure de Pierrick Chelle, tu endosses depuis mars le costume de capitaine, comment appréhendes-tu cette nouvelle responsabilité qui semble naturelle chez toi ?

 On me l'avait proposé y a quelques temps et je ne me sentais pas vraiment prêt ou n'en avais pas forcément l'envie. C'est la blessure de Pierrick qui m'a donné cette opportunité. Arrivé à un certain âge et avec un plus d'expérience, c'est un rôle qui est plaisant. Bien que je pense qu'on ait pas besoin d'avoir le brassard pour donner de la voix ou avoir de l'influence sur le groupe. Ce rôle je l'accepte avec honneur même si "Pickou" reste le capitaine de l'équipe, je ne suis qu'un lieutenant. L'intérim se passe assez bien, je pense que mes coéquipiers sont à l'écoute même si je ne suis pas un grand orateur, ils savent que le peu de fois où je parle, j'ai besoin de leur attention qu'ils me portent jusqu'à présent. Donc une expérience très positive.

 

 

[caption id="attachment_1498" align="aligncenter" width="1024"]Rémi arbore depuis plusieurs mois fièrement le brassard de capitaine Rémi arbore depuis plusieurs mois fièrement le brassard de capitaine[/caption]

 

Rassure-nous, tu restes quand même un des animateurs du vestiaire, les galons de capitaine te rendent-ils moins "chambreur" ?

Ah oui bien sûr (rires) ! Bien au contraire, on a une équipe avec pas mal de "chambreurs". L'ambiance est bonne dans le vestiaire, je suis un partisan de ce mode de vie et comptez sur moi pour le maintenir !

 

Tu as connu de nombreux entraîneurs ici, est-ce un poste que tu pourrais envisager lorsque tu arrêteras le métier de handballeur ?

J'en ai aucune idée car je suis vraiment encore dans mon rôle de joueur. Même si j'ai préparé mon après carrière en passant des diplômes plus jeune et que plus on se rapproche de la fin, plus on pense à sa reconversion. C'est une fonction qui m'intéresse, qui me plaît, plus avec les jeunes je pense. Mais il n'y a pas beaucoup de places et peu d'élus donc honnêtement pour l'heure c'est loin.

 

Question difficile : si tu devais donner les meilleur et pire moments de ta carrière ?

Le pire reste incontestablement les blessures. Ce sont des périodes compliquées tant sportivement que personnellement. Surtout quand cela t'arrive à plusieurs reprises et successivement.

Pour les meilleurs, ce ne sont pas forcément ceux auxquels on peut penser. Même si chanter La Marseillaise en portant le maillot de l'équipe de France reste un moment fort et marquant. Je retiens plus les petits moments du fond de vestiaire, la bière partagée avec un coéquipier qui apprend une bonne nouvelle, toutes ces choses qui te rappellent qu'on fait un métier formidable et qui expliquent aussi ce plaisir toujours renouvelé.

 

Le handball n'était pas professionnel à ton époque, pensais-tu en faire ton métier pendant toutes ces années ?

Quand j'ai démarré au haut niveau, c'était un fonctionnement semi-professionnel. J'avais déjà une forte motivation d'en faire mon métier. de là à dire que je pouvais imaginer que ça se passe aussi bien et aussi longtemps, c'est sûr que non. C'est aussi pour cela que j'avais poursuivi mes études et passé mes diplômes. On était dans une ère transitoire entre le monde professionnel et amateur.

 

L’ÉquipE de France

Tu as connu les joies de l'équipe de France, raconte-nous cette expérience ?

Ça commence un peu à dater maintenant... (ndlr : 2009). C'était à l'issue d'une belle saison avec Toulouse, j'avais été appelé suite à la blessure de Guillaume Gille. J'étais un peu surpris parce que pas du tout préparé à cette convocation. Ca a été une semaine incroyable pour moi, tu te retournes t'as à ta gauche Daniel Narcisse ou Nikola Karabatic, tu veux tirer t'as Thierry Omeyer ! Ce sont d'excellents souvenirs, je me souviens que les entraînements étaient parfois plus durs que les matchs avec une énorme intensité et un niveau de jeu impressionnant. Après il y a cette Marseillaise pendant les hymnes qui personnellement m'a remué avant le match, tu prends conscience de ce qu'il t'arrive.

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Des regrets de ne pas avoir participé à une compétition majeure ?

Non pas vraiment, c'est un niveau tellement élevé que quand t'as une opportunité comme celle-là, elle ne se représente pas deux fois. Ça s'était bien passé pour moi, j'avais enchaîné avec les Jeux Méditerranéens. Ensuite je me suis fait les croisés et le train est passé... Maintenant, il y a des joueurs bien plus talentueux et peut-être que c'était trop haut pour moi. Le seul regret, c'est de m'être blessé à ce moment-là, je n'ai pas pu voir jusqu'où j'aurai pu aller, c'est dans un coin de ma tête sans que ce soit une obsession non plus.

 

Quel est ton regard sur cette équipe qui semble ne pas avoir de limites et s'avère être une des plus fortes de tous les temps du sports collectif français ?

Il y a toujours eu des équipes qui ont dominé comme la Suède ou la Russie mais pendant 3 ou 4 ans. Après, il y a toujours un déclin. En France, cela fait dix ans qu'on est au top avec des résultats hallucinants et un palmarès hors normes. Ce qui m'étonne, c'est le renouvellement de l'équipe et l'intégration des jeunes qui se passent en douceur avec l'enchaînement des performances. Les gens s'habituent vite à ces succès et oublient le caractère exceptionnel de ce qu'ils accomplissent.

 

Le FENIX version 2015/2016

Revenons à Toulouse, vous vivez une saison contrastée avec une amélioration notable dans le jeu mais des résultats pas forcément en adéquation avec cette qualité. Partages-tu ce sentiment ?

C'est vrai qu'au niveau des points avec cette 10e place, on ne respecte pas notre tableau de marche. Mais quand je regarde le jeu de cette équipe, ce qu'on produit, le contenu qu'on propose, je suis plutôt satisfait surtout quand je regarde en arrière. Je ne suis pas trop inquiet, il y a un collectif qui est vraiment intéressant avec une équipe très homogène, les postes doublés avec de nombreuses possibilités de rotations. On a souffert des blessures en tournant sans gaucher, ce qui est un vrai handicap dans le jeu. Cette saison, je n'ai pas le souvenir d'une équipe qui nous ait vraiment surclassés ou un match où on est vraiment passé à côté. Le bilan comptable est certes mitigé mais le niveau est là, les joueurs qui composent l'effectif sont bons. Je pense qu'on monte en puissance et que les résultats vont aller en s'améliorant tout en produisant un jeu qui va continuer de séduire notre public.

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Pas de langue de bois, comment cela se passe avec le nouvel entraîneur Philippe Gardent ?

Philippe est arrivé avec une conception diamétralement opposée de celle des saisons précédentes. Pour l'instant ça se passe très bien, il porte une attention toute particulière sur le comportement et l’investissement qu'on met au quotidien et dans le hand qu'on produit. On avait besoin de cela, d'être recadrés. Ce style de management nous convient bien même si encore une fois les points ne sont pas au rendez-vous comme on pourrait l'escompter. Il n'y a qu'à voir les entraînements et les matchs pour s'en apercevoir.

 

Quelles sont les ambitions du club cette saison ?

C'est un championnat très ouvert avec pas mal de surprises. On a déjà laissé quelques points en route qui nous pénalisent et grèvent un peu nos ambitions initiales. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas réaliser de belles choses. Il est sûr que ce sera délicat d'aller titiller le quatuor de tête mais pourquoi pas faire des perf' en prenant un maximum de points à la maison et faire quelques exploits loin de nos bases.

 

La qualification pour le Final Four de la Coupe de la Ligue (en mars avec le PSG, Montpellier et Nantes) peut-elle changer la dimension de cet exercice 2015/2016 ?

On l'a vécu la saison dernière, les coupes sont toujours les bonus d'une saison surtout quand tu joues le milieu de tableau. C'est une bouffée d'oxygène. Pour le Final Four, on sera outsider d'un plateau relevé, on se propose pour l'organisation de cet événement avec peut-être la chance de jouer devant notre public, ce serait formidable. Même si nous sommes en compagnie des ténors du championnat, cela reste des matchs plus qu'intéressants à jouer. La finale de l'année dernière nous avait aidés dans notre fin de saison d'ailleurs. Il en sera de même pour la Coupe de France, avec un match par semaine, on peut se permettre de jouer ces rencontres à fond, on ne se fixe pas de limites dans ces compétitions.

 

La paternité

Est-ce que le handball n'est pas passé au second plan ces derniers jours (Rémi vient d'être papa d'un petit Émile né le 31 octobre dernier) ?

Oui effectivement (sourire). J'ai la chance d'avoir accueilli un petit Émile il y a peu de temps. C'est du grand bonheur même si tous les papas me comprendront, c'est une période un peu compliquée en termes de sommeil (rires). La semaine internationale sans match tombe bien ! J'en profite pour me reposer un peu plus avec un seul entraînement par jour. Sinon, on est avec sa maman Julie très heureux de la venue de ce futur handballeur, qui sait ?

 

Comment vis-tu cette paternité ?

C'est génial ce petit être qui arrive et chamboule tout. La sensation de le porter dans ses bras, c'est étrange mais à la fois très fort.

 

Tu as été souvent été freiné par des blessures à répétition dans ta carrière, ce qui est moins le cas aujourd'hui. Alors maturité, meilleure hygiène de vie ou les deux... ?

C'est sûrement un mélange de tout. Quand j'ai débuté, on l'évoquait tout à l'heure, on avait un rythme qui nous permettait de se laisser aller à quelques excès... La professionnalisation arrivant, le niveau, l'intensité et la fréquence des entraînements augmentant au fil des saisons, on ne peut plus faire ce qu'on faisait il y a quinze ans. Je ne veux pas faire mon vieux grincheux, mais il est vrai qu'on jouait le vendredi soir, on sortait souvent en suivant et on ne reprenait que le lundi avec certains joueurs qui travaillaient à côté. La liberté était tout autre... En vieillissant, il est sûr que mon hygiène de vie s'est améliorée.

 

Sais-tu combien d'années de handball te reste-t-il ? Émile pourra-t-il voir jouer son père ?

Émile me verra jouer très certainement. Est-ce qu'il comprendra ce qu'il voit ? C'est autre chose. J'ai 32 ans, je ne me suis pas fixé de limites. tant que mon corps me le permettra et que j'aurai toujours la même envie qu'aujourd'hui avec autant de plaisir à venir au palais des Sports, il n'y a aucune raison d'arrêter.

 

Toulouse

On sent un profond attachement à cette ville et aux Toulousains ?

Dans les interviews, on me demande souvent pourquoi je n'ai jamais songé à quitter Toulouse, connaître autre chose. Je réponds à ces personnes ou même avec certains joueurs d'autres équipes : Est-ce que vous êtes déjà venu à Toulouse ? Je n'ai aucun regret quand je regarde dans le rétro, je me sens bien ici. Tu marches au bord de la Garonne, tu vas boire un café Place Saint-Georges, il faut être Toulousain pour comprendre cette qualité de vie. De plus, je suis né ici, j'y ai tous mes amis, ma famille. J'ai un attachement fort pour cette ville que n'a forcément pas un Serbe ou un Macédonien. Mes racines sont ici et c'est pourquoi j'ai un lien particulier avec ce maillot, c'est évident.

 

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Si tu devais décrire "ton" Toulouse en quelques mots ?

Je dirai un climat agréable, une ville vivante et festive. Petite anecdote, lors de la venue d'Ivry, un de leurs joueurs m'a dit qu'il s'était promené le jour du match dans les rues. Il était surpris par la mentalité des gens, des commerçants. Cet esprit latin, cet accent chantant et accueillant, les Toulousains sont comme ça et c'est sympa de le revendiquer. En même temps, il habite en région parisienne, on peut comprendre le décalage...

 

Un dernier mot pour les supporters et les lecteurs du site ?

Cela fait deux ou trois ans qu'on sent un vrai engouement derrière nous, on en discute entre joueurs. Il y a quelque chose qui s'est passé avec notre public. Bien sûr le scenario haletant de la plupart de nos matchs doit encourager cela mais de voir le Palais plein de plus en plus fréquemment, c'est très réconfortant. C'est une question qu'on nous pose souvent et oui c'est quelque chose qu'on ressent et qui fait la différence. J'en profite pour dire à ce public Merci ! Les supporters sont là même en déplacement, c'est adorable et je leur tire mon chapeau.

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Retrouvez la fiche joueur de Rémi CALVEL ici

 

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[caption id="attachment_1528" align="aligncenter" width="1024"]danijel remi A la terrasse d'un café toulousain, le bonheur selon Rémi[/caption]

 

 

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